Louise Desrenards on Mon, 19 Feb 2007 14:19:58 +0100 (CET)


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[nettime-fr] Gian ne peut plus penser à Oreste mais Oreste pense à lui


A Paolo Persichetti et à tous ceux enfermés sans relâche ou toujours sans
relaxe, en Italie...

L'EUROPE EST UNE FAMILLE ABUSIVE ET MET LES POPULATIONS SOUS LA HIERARCHIE
DES LOBBIES ET DES FACTIONS LES PLUS REACTIONNAIRES DU TISSU QUI L'AVAIT
PRECEDEE.

Donc je me garderai bien de parler des présidentielles françaises avant un
moment... Elles me donnent envie de vomir.

Sinon pour relever ce qui se passe avec l'éviction d'un Duhamel, pourtant
pas un révolutionnaire mais qui se lève, comme une réalisation du pouvoir
des medias mopolisitiques structuré par le gouvernement Chirac qui a
privatisé jusqu'à l'agence de Presse autorisée dans le monde, l'AFP, en
interdisant localement d'en former d'autres après que Dassault s'en soit
emparé, tout cela au service d'un parti devait bien un jour ou l'autre faire
apparaître la localisation de la dictature en France, et qu'elle soit déjà
là, heureusement les journalistes professionnels se ressaisissent
vigoureusement (mieux vaut tujours trop tard que jamais) :

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=42743
Et pour signer à leur appel :
http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=42743#sp42743

Disons, ce qui suit est une autre façon de parler de ces élections, en
réactualisant la question déjà admise de la disparition de la démocratie,
dont la démocratie républicaine.

Recevant aujourd'hui un email d'alerte sur les exploits d'Oreste Scalzone,
qui n'arrête pas depuis qu'il est de retour en Italie, je vois la tendresse
de ses amis dirigeant l'université et celle qu'il leur retourne dans les
photos de son blog, pour évoquer le dernier rassemblement sauvage de la
Faculté des Lettres de Rome, cette semaine :
 
http://orestescalzone.over-blog.com/article-5674023.html

J'ai retrouvé dans Multitudes ce beau texte qu'il avait écrit la nuit où il
avait appris la mort subite de Gian Maria Volontè, terrassé par une crise
cardiaque pendant un tournage (me semble-il) en Grèce, en février 1995...

Bien sûr, ce texte n'a pas été publié inédit dans Multitudes puisque Gian
Maria Volontè a disparu bien avant que la revue Multitudes n'existe, mais la
republication du texte externe des lignes éditoriales date de décembre 2003,
pour répondre à l'arrestation de Paolo Persichetti.

Paolo Persichetti, par son procès innocenté de l'accusation de meurtre au
titre duquel il avait été extradé de France, à la demande du ministre de
l'intérieur de la ligue du Nord Castelli, par exécution du ministre de
l'intérieur Sarkozy sur l'ordre du garde des sceaux Perben, complices avec
Chirac de l'extrême droite du pouvoir Berlusconien qui avait pour médiateur
des affaires étrangères à la solde des Etats-Unis le néofasciste Fini, sous
le ministère Raffarin au titre des intérêts financiers des marchands
d'armes...

Paolo Persichetti, quatre ans plus tard innocenté, est pourtant encore
enfermé pour une accusation du genre "participation à une association de
malafaiteurs" entendre sous malfaiteur simplement qu'il fut activiste -
étant un crime succédant à celui de ne pas en avoir commis...

Que l'Italie est bien longue à décider l'amnistie après que le pouvoir de
l'extrême droite fut chassé du gouvernement... Que l'Europe est bien loin
des gardes-fous électoraux critiques...

La démocratie chrétienne de Berlusconi ce n'était pas rien, voyez la loge P2
dont il avait été le trésorier pour commencer sa gloire, et comme Castelli
alors ministre de l'intérieur renforcé par le centre gauche de D'Alema
voulut tant la peau de Battisti, aujourd'hui ne dépasse toujours pas la
question de la croix dans le dos des juges au Tribunal et mieux, réprime
sévèrement celui qui veut y faire échapper la justice pour tous :

http://www.fairelejour.org/article.php3?id_article=1009

Malgré sa plainte déposée à la Cour européenne, le juge Luigi Tosti, peu
importe qu'il fut juif ou pas, mais en quoi la croix lui serait
personnellement odieuse, en outre, loin d'avoir obtenu gain de cause sous le
nouveau pouvoir Prodi, vient d'être suspendu des tribunaux et condamné à 7
mois de prison.

Ce qui suit était symptomatique du pouvoir de l'Europe en 2005 : regardez
comme les choses ont finalement peu changé :

http://www.coe.int/T/F/Com/Dossiers/Visites-officielles/2005-Roma/

vu les propositions européennes constitutionnelles en forme de charia, mode
de vie identique sous les règles de de la sécurité, justice sous l'autorité
des flics, mais avant même : décision à la minorité sur les grands dossiers
à propos desquels la majorité simple ou des deux tiers n'est pas opposable
(OGM)... 

CAR CE QU'IL FAUT RETENIR DE LA VIDEO DE CANAL PLUS CE N'EST PAS LE HOAX
UTILISE A JUSTE TITRE COMME UN SCOOP POUR ACCELERER LA VISIBILITE DE CE
REPORTAGE A MON AVIS TRES IMPORTANT, A CAUSE DE LA CONSTATATION EVIDENTE QUE
LA DEMOCRATIE EUROPENNE N'EXISTE PAS, A L'ISSUE DE L'EMISSION -- MAIS
JUSTEMENT CELA : QUE LE VOTE DE LA COMMISSION NE FUT QUE CONSULTATIF PUISQUE
NEGATIF IL N'EMPECHA PAS LA DECISION.

ET PAR CONSEQUENT QUE LA DEMOCRATIE NE SOIT PAS LA REALITE DU POUVOIR
EUROPEEN. Le véritable pouvoir européen, celui qui joue de notre peau, est
aussi obsolète que celui de la loge P2 en Italie pendant les années de plomb
et son émergence ensuite...

J'en profite pour rappeler que la France est associée à la décision
majoritaire à l'ordre des Etats-Unis du Conseil de sécurité de l'ONU, pour
la prolongation de l'embargo sur la Palestine, malgré les accords de La
Mecque entre les deux membres du pouvoir des territoires autonomes
palestiniens. Et par conséquent, l'Europe a beau jeu de poursuivre la salade
commissionnaire sordide de Mme Merkel. C'est sous la pression de la crise
provoquée par l'embargo que s'accentua la division civile en Palestine.

En même temps, les impératifs discriminants à propos de la Syrie et les
alliances "objectives" de la France militairement déterminante à la tête des
alliés venus désarmer "pour la paix" au Liban, avec l'agresseur voisin et
son protecteur lointain, a réinstallé la division civile contre laquelle le
gouvernement Siniora avait résisté pendant la guerre, car détruisant la
crédibilité de celui-ci en l'obligeant à sortir de sa propre alliance. Ce
personnage politique de fait ne représente plus rien qu'une faction alliée
fantoche des forces d'occupation au Moyen Orient.

la direction de l'OTAN par la France n'a donc pas de différence notoire
d'intentions avec les Etats-Unis si ce n'est qu'elle prépare le terrain sur
lequel les forces américaines n'auront plus qu'à lui succéder, ou d'enliser
sa petite armée internationale dans un bourbier sans fin, ce qui fait après
tout partie, aussi de la stratégie américaine, que d'occuper les empêcheurs
de tourner en rond en leur attribuant leur propre cercle vicieux et
d'économiser la dépense américaine sur l'investissement de leurs alliés,
dans la multiplication des foyers de la délocalisation de l'OTAN... De
toutes façons le Moyen Orient doit être à feu et à sang de l'Inde à la
méditerranée pour que le buisinness scientologique se réalise...

Concernant l'Italie, il y a encore ceci, c'était en avril 2006 le retour de
Prodi au pouvoir :
http://www.rfi.fr/actufr/afp/001/mon/060428194743.xvl120km.asp

" Si l'explication fournie par Roberto Castelli s'avère juste, cela
signifiera que Romano Prodi sera continuellement contraint de négocier avec
les partis de ..."


    Donc voilà, je reviens à Oreste Scalzone évoquant Gian Maria Volontè,
cet  immense acteur italien surgi des années 60, sublime Lucky Luciano de
Rosi, dont les films parlent de ce qu'il nous reste aujourd'hui du désastre
et des joies communes perdues :

http://www.gianmariavolonte.it/
http://www.yo-video.com/bio-2407-gian+maria+volonte.html


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Pour Gian-Maria Volontè : un autre adieu.
par  Oreste Scalzone
Première publication en février 1995
Mise en ligne le vendredi 5 décembre 2003

http://multitudes.samizdat.net/Pour-Gian-Maria-Volonte-un-autre.html



    Aujourd¹hui, nous avons perdu un ami. Je dis "nous", je me permets de
dire ainsi, chacun peut le lire comme il le veut, et même s¹y voir, s¹y
placer, s¹il le veut, ce nous est à géométrie variable... En tout cas, moi
j¹ai perdu un ami, un complice, un camarade.

J¹ai appris la nouvelle par la radio, il y a quelques heures, et j¹ai eu
envie de me taire, ce soir. Et puis, j¹ai pensé que, pour les gens du
spectacle, cela fait partie d¹un rite, c¹est une façon - au-delà de la
rhétorique - défaire le deuil, d¹accomplir le salut fraternel, d¹inscrire le
témoin qui s¹éloigne au répertoire. C¹est pratiquer le métier de vivre,
ainsi que l¹apprentissage de la mort, que de dire "le spectacle continue".
C¹est comme ça pour le cirque, le théâtre, la vie, les combats...

Le deuil, c¹est un truc spécifiquement propre aux vivants. Quelque part on
l¹a peut-être oublié, mais il suffit d¹aller dans les villes ou villages de
la Méditerranée pour voir que ça aide à vivre. Un colporteur de paroles,
bonimenteur, cantastorie, pens¹acteur et baladin ne peut pas arrêter sa
parol¹action, faire descendre le silence sur les pages immatérielles de son
Journal de bord.

J¹ai décidé d¹en parler tout de suite, pour faire ensuite un Journal, une
revue de critique du Temps si possible encore critique, tragi-comique et
gai, antiéconomique antiétatique anti-[&]politique... Revue entre critique &
clinique, contre le Chrono-Maître... Avec les articles prévus pour ce
numéro, sur le Cirque Max...médiatique, sur les Gardes des Shows...

Alors, en lever du rideau imaginaire, c¹est Gian Maria Volonté. Et si ce ne
devait être que pour moi, vous m¹en excuserez...

C¹est pour ne pas m¹étendre, me perdre dans un flux, avec ses divagations et
méandres souterrains, ses deltas, ses estuaires, fleuve d¹encre invisible de
mise en abîme, que je me bornerai à "traduire" vite, en lisant-traduire de
l¹italien en une espèce d¹idiolecte frontalier, de no man¹s langue qu¹on a
convenu ici d¹appeler "freetal" - un texte que je viens d¹envoyer là-bas,
aux camarades amis complices de certaines causes communes (et aux journaux
aussi).

"Gian Maria Volonté se meurt. Je me souviens d¹une affiche, maintenant
vieillie, qui était apparue sur les murs de la "frëie Universität " de
Berlin. Fond rouge, spartakiste, imprimée la gueule de Marx, seul : "Alle
reden vom Wetter. Wir, nicht", "Tout le monde parle du temps
[atmosphérique]. Nous, non".

En paraphrasant ce propos, je voudrais dire : "Tout le monde parlera de son
talent. Nous, non ". Nous, nous parlerons du reste ...

"Nous", entre autres choses, parmi les fugitifs, les profughi fuyant l¹État
italien, ses règlements de compte (leur forme pénale, judiciaire, policière,
inquisitoriale,
pénitentiaire, disciplinaire... )après la longue onde de choc qui a suivi
pendant plus d¹une décennie les années 68.

Nous, quelques hommes et femmes qui se souviendront de Gian Maria avant tout
comme l¹un des camarades du Groupe d¹initiative pour l¹amnistie. "Camarade",
je le dis ici "stricto sensu".

1983 : 47, rue de Montmorency. Nous avions choisi, et proposé, c¹était
presque évident, de nous battre pour la libération de tou[te]s et chacun[e],
tous les camarades de route, de destin, de barricades, sans discrimination
et en dehors de toute appréciation de valeur.

Pour nous, la seule ligne de réflexion, de conduite, d¹action, la seule
micropolitique possible et correcte sur ce terrain était de revendiquer une
mesure d¹amnistie. Cela impliquait, forcément, un combat contre le véritable
régime, qui se mettait en place, de l¹Urgence comme forme de gouvernement.

Dans le creux de la vague, en même temps occasion d¹epokhè, il fallait se
battre pour une solution, celle du tout un chacun... Il fallait commencer
parfaire l¹effort de trouver l¹espace d¹une lutte ponctuelle, avec des
délais, des urgences, un caractère inévitablement limité puisqu¹on parlait
de la vie, de femmes et d¹hommes "concrets".

C¹était une proposition simple, claire, fraternelle, indépendante, critique
radicale, libertaire. "La solidarité sans révolte, c¹est fade ; la révolte
sans fraternité entre les rebelles n¹est pas légitime ", comme le disait
Camus : c¹était l¹un des aspects qui motivaient Gian Maria, un élément de
morale provisoire telle que l¹avait définie Gilles Deleuze : tenter d¹être à
la hauteur de ce qui nous arrive.

L¹idée qui était la nôtre, la sienne, était d¹abord radicale et réaliste :
ni velléitaire ou arrogante, ni servile. De plus, il y avait, sous-jacents -
au-delà d¹une micropolitique de libération possible, des éléments de
laboratoire pour d¹autres choses aussi : une trace (pas un modèle achevé),
une tentative... On essayait de dire simplement : "aussi longtemps que l¹on
acceptera de payer son café avec l¹équivalent général argent, aussi
longtemps que l¹on utilisera des mesures, des formes de l¹abstraction, le
mètre de Greenwich, la mesure du temps, aussi longtemps que le Chrono Maître
sera en vigueur, il faudra - par intelligence plus encore que par vertu -
prendre au pied de la lettre ; notamment en « droit pénal », les règles
formalisées, ayant l¹aspect de convention, en exiger le respect
"égal-abstrait", et de son côté s¹y tenir, "comme si"... et cela avec une
sorte - comment dirais-je... - de "déontologisme passionné ", pensé et
pratiqué jusqu¹au bout - et jusqu¹au but aussi -, avec la capacité de penser
d¹une façon complexe et simple, globale et locale, audacieuse et
responsable, paradoxale et extrême en même temps qu¹effectuelle dans la
sphère de sa propre pertinence, responsabilité, proximité, possibilité
d¹action ".

Quelqu¹un dira - comme on a toujours dit, du haut d¹annonces en apparence
aussi différentes que possible -,"tout ça, c¹est peu de chose ". Mais,
d¹abord, je ne sais pas, je ne comprends pas ce que voudraient dire, que
signifieraient "pratiques de solidarité concrète ", "révolutions
moléculaires", "microlitiques ", "éthique de la responsabilité locale",
"singularités", en deçà de ce seuil. Que voudraient dire capacité
d¹articuler différences et répétitions, continuités et ruptures, travail de
deuil, réflexivité critique, capacité de changement et d¹autocorrection,
critique, pratiques théoriques, en deçà de la capacité de mener cette
bataille ? La mener, en appréciant d¹une part les enjeux singuliers ;
d¹autre part les enjeux, pour ainsi dire, micro-sociaux ; et encore, la
possibilité d¹exprimer dissensus, objection, résistance, face à la
constitution d¹un véritable régime, un hybride inédit, ce qu¹on pourrait
appeler "démocratie disciplinaire de masse, populiste et justicière, dans
laquelle la "Justice à géométrie variable" constitue un pilier de l¹Urgence,
État d¹exception, régime de guerre interne à toute échelle, rampant, jouant
une dialectique infernale de l¹exception et de la règle, ainsi que de la
"guerre juste", légitime et légale...

Bien sûr il y a tout le reste, jusqu¹à "l¹état du monde" mais rien
n¹empêche, au-de-là, en même temps et après, de penser et d¹essayer d¹agir,
à ces échelles, tandis qu¹en deçà de cette porte étroite, rien de pertinent
et de fiable ne peut être mis en marche.

L¹époque où Gian Maria vivait, lui aussi, au 47, rue de Montmorency, fut
pour nous celle de la rencontre choquante avec le malentendu, avec
l¹incompréhension presque tous azimuts ( je dis cela sans aucune
complaisance, sans jubilation du négatif, sans narcissisme d¹écume de la
terre, sans l¹idée que l¹incompréhension est le sceau du génie -elle ne
l¹est pas, pas plus que le contraire...).

Au fil des jours, des mois, nous ferons l¹expérience d¹une hostilité
pré-judiciale, qui n¹acceptait jamais de réfuter d¹une façon pertinente la
conjecture... avec le corollaire d¹un écheveau de dénégations
ahurissantes...

On faisait un petit canard, qui s¹appelait Synopsis (plus tard il
s¹appellera, Iris). On discutait à trente, à dix, à ceux qui étaient là, à
confrontation variable, du scénario d¹un de deux films, qui n¹ont jamais été
produits. On tournait des vidéos. Dans l¹une d¹elles, je me rappelle bien,
Gian Maria disait une phrase, "l¹amnistie dans la rue, un enchaînement de
mains qui se lient dans une conjuration fraternelle : 50.000 signatures pour
une loi d¹initiative populaire, amnistie-indulto ".

C¹est ce Gian Maria que je veux rappeler, ce soir.

Sans chercher à énumérer tous les amis perdus sur ce chemin, je voudrais
évoquer, parlant de cette époque, Pierre Halbwachs, dans ces années d¹hiver,
et Félix Guattari, qui, lui, habitait dans cette même rue Saint Sauveur...

Je voudrais vous raconter une dernière chose. J¹ai rencontré Gian Maria dans
les années 64-65, quand la pièce de Rolf Hockhut, Le Vicaire, arriva en
Italie. La censure sur le théâtre venait d¹être abolie, mais les pouvoirs
publics pensèrent que ce drame historique, qui témoignait de la complicité
du pape Pie XII avec les artisans de l¹Holocauste, devait être interdit à
Rome, en raison du caractère sacré de la "Ville Éternelle". Une compagnie
théâtrale l¹avait malgré cela mise en scène, Gian Maria avait donné la "voix
off". Police, encerclement du théâtre, occupation... - je me souviens de
Moravia, d¹Umberto Eco et de beaucoup d¹autres montant ou descendant par les
fenêtres, avec des cordes...

Nous, un groupe d¹enfants rouges ayant grandi qui, après les années green,
avaient quitté la Jeunesse Communiste par souci de radicalité, nous vivions
dans une ville ouvrière, à cent kilomètres de là. On faisait - déjà ! - un
journal parlé et nous avions décidé d¹organiser dans notre ville la
représentation interdite a Rome. Elle eut lieu, en même temps qu¹une
procession réparatrice organisée par l¹évêque, qui nous a tous excommuniés.
Cela crée une sorte de fraternité complice...

Puis, je l¹avais rencontré à nouveau, Gian Maria, quand un petit éditeur, un
peu Don Quichotte un peu aventurier, entreprit défaire un journal quotidien
alternatif, après 68. Peut-être avait-il raison. Mes camarades de l¹époque
et moi (groupe informel né à travers 68), avions accepté d¹y participer,
mais, dans la foulée, nous avions "gentiment" chassé tous les
professionnels, les artistes, les "hommes de culture" de l¹intelligentsia
établie adhérant à l¹aventure, et nous avions monté -en transformant
radicalement le projet- un hebdomadaire de lutte ouvrière autonome,
notamment à la FIAT. Le journal devait s¹appeler La classe (titre pas très
original...). Gian Maria vota pour se chasser lui-même, disant qu¹il valait
mieux faire un hebdomadaire militant plutôt qu¹un quotidien alternatif un
peu flou...

Après, nous avons fait, chacun à sa façon, chacun de son côté, différents
"théâtres de la rue" (et même un peu "de la cruauté"), en parallèle. Nous
nous sommes perdus de vue pendant très longtemps.

Je l¹ai revu en 1980, après avoir été libéré de prison pour cause de
maladie, grâce à une forte campagne et à un dépérissement intempestif
carcéral.

Quelques mois plus tard, j¹avais décidé de partir. Je ne voulais pas rester
otage, avec ma liberté provisoire très précaire et une trajectoire qui me
plaçait parmi les "cibles de choix" des dispositifs pervers de l¹état
d¹exception, des "reconstructions" de repentis, des vérités mises à prix,
marchandées... de tout ce qui a constitué le mètre étalon de l¹Urgence comme
forme de gouvernement, avec les conséquences perverses de la logique de
l¹individualisation des peines, laquelle, pas même liée à la règle du plus
fort avantage pour le justiciable, finit par engendrer un véritable monstre
judiciaire, un hybride tout à fait anti-juridique, un système de primes et
punitions, de typologisation des justiciables, de règles et critères "à
géométrie variable", "à la tête du client"... [1]

A mon sens il était préférable de choisir une ligne de fût-elle sans fin...
C¹était très difficile, il n¹y avait plus aucun réseau. J¹avais l¹obligation
de rester à Rome ; il ne s¹agissait donc pas seulement de passer une
frontière ; à peine sorti de la ville je pouvais être arrêté... je pesais 40
kg, j¹étais -comme on dit- spectral, les gens se retournaient sur moi dans
la rue et, au deuxième regard, il leur était facile de me reconnaître ....ma
gueule à la télé, dans les journaux....

Comment, à l¹époque, imaginer qu¹à peine un an après on aurait eu un ubi
consistam en France. On pensait aller je ne sais où... qui disait Nicaragua,
qui Népal, qui ailleurs, suivant les rhizomes, les traces des voyages, les
lignes de fuite...

Notre première étape, en tout cas, devait être le Danemark - nous y avons
fait une pause d¹un an, pour trouver un nouveau souffle, dans le grand nord
de Copenhague - mais pour s¹y rendre, il fallait passer par la France, plus
précisément par la Corse... J¹ai revu Gian Maria, et pour cause, à ce
moment-là.

Cela peut sembler romantique... sa voile, enfin son bateau - voile pour
bateau est une métonymie, la partie pour le tout ou synecdoque... -portait
une inscription dont je me souviens encore, on est un peu sentimental dans
ces moments-là : le vent se lève, il faut tenter de vivre, disait le vers de
Valéry sur le bois blanc.

J¹ai pensé qu¹il était temps de parler de ce geste, de son geste de liberté,
seulement maintenant pour la simple raison que nous avions pensé, l¹un et
l¹autre, que ce geste aurait pu être répété, être utile pour quelqu¹un
d¹autre. Quelqu¹un d¹autre, lisant cela, se souviendra... la voile de Gian
Maria était là, avec sa phrase un peu désespérée. Elle m¹avait tout de suite
fait penser à une mouette, à des ailes fragiles... déjà elles avaient été un
peu brisées, maintenant elles se sont définitivement recroquevillées.

Maintenant la mouette ne peut plus prendre son envol, le bateau de
Maïakowski s¹est brisé une fois de plus... C¹est maintenant que je peux, que
je lui dois d¹en parler.

Post-scriptum  : J¹ai demandé à Mario Schifano, peintre et complice, qui m¹a
envoyé en réponse des mètres de fax, de "travailler" la photo des débuts
seventies sur laquelle Gian Maria est emmené par deux policiers parce qu¹il
fait du théâtre de rue.

Sur cette photo, il nous faisait penser à Pinocchio entre les deux
carabiniers.

En un éclair, avec son génie visuel, Mario m¹a renvoyé la photo "traitée" :
Gian Maria avec le long nez de Pinocchio, les carabiniers avec leur
flamme... On en fera une carte postale, des affiches, avec la phrase de la
vidéo-cassette sur l¹amnistie dans la rue...

Décriptage d¹un texte par[o]lé, (au Journal Imaginaire du mardi 6 décembre,
au Resto¹ des vins, rue Saint Sauveur).
Je remercie Pierre Loizeau et ma fille d¹avoir traduit et fait le collage,
tout en m¹excusant auprès de lui d¹être ré-intervenu "in extremis ", avec ma
langue très à peu près...

[1] Chacun[e] peut voir, ce qu¹il reste des "règles et traitements certains"
... Quelques-un[e]s d¹entre vous, connaissent le sort jusqu¹ici réservé à
Paolo Persichetti, ce camarade dont on parle ici depuis un an, depuis qu¹il
est incarcéré à la prison de la Santé sous écrou extraditionnel... Paolo a
été soumis - en Italie, et maintenant en France - à un traitement
scandaleux, discriminatoire et « anti-juridique ». Son cas est
l¹illustration exemplaire de l¹arbitraire d¹une justice "à géométrie
variable". Paolo a été le premier d¹entre les "réfugiés de fait" d¹Italie
convenus ici sur la base de la et de l¹espace ouverts en 1981 par
l¹engagement à rétablir la "France terre d¹asile" et le refus de toute
extradition politique, à ne pas avoir été remis en liberté, en dépit de
requêtes réitérées. Il est le premier réfugié en France qui a été déclaré
extradable par les juridictions compétentes (la Chambre d¹accusation, la
Cour de Cassation) même en ce qui concerne les chefs d¹inculpation définis
en droit, dans les normes et les traités, « objectivement politiques  » -
puisque c¹est ainsi qu¹ils sont définis dans le Code pénal de l¹État
requérant - et donc explicitement exclus du "champ de l¹extradition". Il est
le premier d¹entre les soixante-quatre cas de "réfugiés italiens" qui ont
été soumis[es] à procédure d¹extradition, à s¹être vu signifier un décret
d¹extradition , paraphé par le Garde des Sceaux et le Premier ministre. Il
est donc suspendu à un fil, celui du dernier recours possible : le recours
auprès du Conseil d¹État.

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