JeanLuc Girard on Thu, 5 Sep 2002 23:48:31 +0200 (CEST) |
[Date Prev] [Date Next] [Thread Prev] [Thread Next] [Date Index] [Thread Index]
[nettime-fr] histoire virtuelle |
2 cas présentés ci après... Dans le 2ème il est question d'étudiants en Art Plastique. JL --- 19 février 2002 --- Le New York Times trafique ses archives en ligne... On comprend mal, mais on se résigne, à ce que la presse traditionnelle n'estime pas autant que le public que les publications en ligne soient crédibles (notre chronique du 5 février 2002). Mais que penser lorsqu'un journal comme le New York Times trafique volontairement ses archives en ligne pour supprimer un article compromettant pour les autorités, et le remplacer par un article plus complaisant? Le 9 septembre 2001, le journaliste du New York Times, John F. Burns, signait un article portant sur une bande vidéo qui circulait depuis le mois de juin dans les cercles islamistes à travers le monde. D'une durée de deux heures, on voyait sur cette bande vidéo un Oussama ben Laden confiant déclarer que son intention était de tuer un grand nombre d'Étasuniens et de Juifs, vanter le courage du commando suicide qui avait perpétré l'attaque contre le cuirassé Cole à Aden en octobre 2000, et promettre que d'autres attaques auraient lieu. Dans les heures qui ont suivi l'attaque du WTC, le 11 septembre, le New York Times a retiré l'article original de Burns et l'a remplacé par un second texte, en date du 12 septembre, moins critique des responsables de sécurité et davantage axé sur la question palestinienne comme motif de l'attaque. C'est le site Democrats.Com, un site d'information politique à l'intention des électeurs inscrits, militants et candidats du Parti démocrate, qui a découvert le subterfuge. Democrats.Com est une entreprise fondée par deux spécialistes : David Lytel, principal artisan du premier site Web de la Maison Blanche (sous l'administration Clinton), détenteur d'un doctorat de l'université Cornell en communication politique et dont la thèse portait sur la communication politique et les médias interactifs; Bob Fertik, fondateur de la société I-Progress (consultation auprès des organismes sans but lucratif sur l'utilisation d'Internet), co-fondateur des services en ligne Women Leaders Online, Women's Voting Guide, et Political Woman Hotline. Ce qui inquiète dans l'artifice du New York Times est le caractère délibéré de la substitution de l'article. L'adresse de l'article original (nytimes.com/2001/09/09/international/asia/09OSAM.html) redirige automatiquement le lecteur vers l'adresse du deuxième article (nytimes.com/2001/09/12/international/12OSAM.html) sans qu'il en soit fait mention. L'URL passe du 09/09 au 09/12 de manière «transparente». De plus, l'article original ne figure plus dans les archives en ligne du journal. On constate également le changement de titre : «On Videotape, Bin Laden Charts a Violent Future» pour le premier article, «America the Vulnerable Meets a Ruthless Enemy» pour le second, et la lecture comparative révèle un tout autre ton d'écriture. Pour ceux et celles que l'exercice intéresse, Democrats.Com publie l'article original de John F. Burns, et évidemment la seconde version figure toujours sur le site (et dans les archives revues et corrigées) du New York Times (inscription requise, sans frais). La «compagnie» lave-t-elle moins blanc qu'auparavant? C'est ce qu'on peut en déduire en consultant le site Intellnet.Org (consacré au renseignement stratégique, et qui dispose d'une entente de reprise de contenu avec le NYT) sur lequel l'article du 9 septembre figure toujours en version originale. Cette affaire soulève plusieurs questions. D'une part, un des canons de la presse étasunienne est pris en flagrant délit de manipulation d'archives. Combien de fois, dans le passé, a-t-on eu recours à de telles pratiques? D'autre part, pour quels motifs a-t-on substitué un article par un autre, pourquoi a-t-on supprimé certains noms et événements des références? Troisième élément : n'eut été de la vigilance de certains groupes face aux médias traditionnels, et qui s'exerce en grande partie sur Internet, aurait-on eu connaissance de cette manipulation d'archives? S'il y a concurrence pour la confiance du public entre médias en ligne et médias traditionnels, ces derniers n'ont certainement pas marqué de point avec cette récente affaire. --- 12 mars 2002 --- [1] APRÈS LE NY TIMES, C'EST FOX QUI PURGE SES ARCHIVES EN LIGNE Après le New York Times qui a trafiqué ses archives en ligne pour amender un article compromettant pour les autorités (voir notre chronique du 19 février), c'est au tour de la chaîne Fox de retirer de ses archives en ligne les transcriptions de quatre reportages sur le démantèlement d'un présumé réseau d'espionnage israélien aux États-Unis. «This story no longer exists» (ce reportage n'existe plus) peut-on lire à l'adresse où se trouvait, le 11 décembre, la transcription du premier d'une série de quatre reportages de Carl Cameron sur cette affaire d'espionnage. La censure a posteriori est-elle possible à l'ère d'Internet? De moins en moins. Le site Web d'allégeance conservatrice FreeRepublic.Com a d'abord hébergé sur son site les transcriptions des reportages de Carl Cameron pour ensuite les retirer, mais des versions intégrales des transcriptions ont vite fait d'apparaître sur divers sites Web. Du 11 au 14 décembre, Fox diffuse en rafale quatre reportages de Carl Cameron dans le cadre de son émission «Special Report» animée par Britt Hume. Cameron, sur la foi de documents confidentiels, affirme qu'avant le 11 septembre 2001, 140 individus d'origine israélienne ont été détenus ou arrêtés dans le cadre d'une vaste enquête sur des activités d'espionnage de l'État d'Israël menées aux États-Unis. Après le 11 septembre, une soixantaine d'autres personnes ont été arrêtées et ou détenues pour les mêmes motifs. Selon Cameron, le réseau d'agents israéliens avait pour cible la DEA (agence de répression des drogues), le FBI (police fédérale), des douzaines d'installations gouvernementales, des bureaux secrets, et même les résidences privées de hauts cadres des services de renseignement étasuniens. Mais les agents israéliens épiaient également de près les agissements de groupes islamistes aux États-Unis, certains très près des cellules responsables des attaques du 11 septembre. Cameron lance alors la question explosive : comment pouvaient-ils [Ndlr. les agents israéliens] ne pas savoir ce qui se tramait? Dans ses reportages subséquents, Cameron implique des entreprises israéliennes du secteur de la haute technologie ayant pignon sur rue aux États-Unis (Amdocs, Comverse Infosys) qui auraient aidé les agents dans leurs activités de surveillance électronique. Le 28 février, Guillaume Dasquié, rédacteur en chef du bimensuel Intelligence Online, dit détenir un rapport confidentiel de 61 pages qui confirme l'existence du réseau d'espionnage israélien. Le journal Le Monde, dans son édition du 5 mars, reprend l'information et décrit le réseau : «une centaine d'agents israéliens, certains se présentant comme étudiants en beaux-arts, d'autres étant liés à des sociétés d'high-tech israéliennes. Tous ont été interpellés par les autorités, interrogés et une douzaine d'entre eux seraient encore incarcérés. L'une de leur mission aurait été de pister les terroristes d'Al-Qaida sur le territoire américain, sans pour autant en avertir les autorités fédérales. Des éléments de cette enquête, repris par la télévision américaine Fox News, renforcent la thèse selon laquelle Israël n'aurait pas transmis aux États-Unis tous les éléments en sa possession sur les préparatifs des attentats du 11 septembre [...] Interrogé par Le Monde, Will Glaspy, du département Public Affairs de la DEA, a authentifié ce rapport, dont la DEA "détient une copie".» Autre information du Monde : «beaucoup des "étudiants en art plastique" soupçonnés d'activité illicite ont un passé militaire dans le renseignement ou des unités de technologies de pointe. [...] Plusieurs sont liés aux sociétés de high-tech israéliennes Amdocs, Nice et Retalix. Interpellée, une "étudiante" a vu sa caution de 10 000 dollars payée par un Israélien travaillant chez Amdocs. Interrogés, deux autres reconnaissent être employés par Retalix. Le Monde a obtenu d'autres informations non contenues dans ce rapport. Six des "étudiants" interceptés possédaient un téléphone cellulaire acheté par un ex-vice-consul israélien aux États-Unis.» Toujours le 5 mars, Ted Bridis de l'Associated Press (spécialiste des questions de surveillance, notre chronique du 4 décembre 2001), traite de l'affaire, mentionne le rapport de 61 pages obtenu par Intelligence Online, et précise que l'authenticité du dit rapport a été confirmée par le porte-parole de la DEA à Washington, Rogene Waite. Bridis rajoute une information intéressante : en mars 2001, le National Counterintelligence Executive (agence gouvernementale des États-Unis) avait émis un avertissement aux employés de l'administration publique fédérale. Le NCE faisait état des activités de groupes de personnes se décrivant comme «étudiants israéliens en beaux-arts» qui tentaient d'obtenir des renseignements sur des installations gouvernementales : «Des agents de la police fédérale ont arrêté deux de ces individus pour violation de propriété et découvert qu'ils étaient en possession de visas et permis de travail contrefaits.» Mercredi, 6 mars, à Washington, des porte-parole de l'administration publique nient tout lien entre la présence de ces individus en sol étasunien et un soi-disant réseau d'espionnage. Selon le Washington Post, on impute maintenant le rapport secret de 61 pages à un enquêteur de la DEA mécontent des conclusions auxquelles ses collègues du FBI et de la CIA en seraient arrivés, soit qu'il n'y avait pas de réseau d'espionnage. On reconnaît qu'au cours des neuf premiers mois de 2001, on a arrêté et déporté des douzaines de ressortissants israéliens, mais qu'il s'agissait de personnes qui ne disposaient pas de documents en règle. Puis, ce 11 mars, le périodique Insight on the News revient sur l'affaire, affirme que ses journalistes menaient eux aussi une enquête sur ce réseau d'étudiants en beaux-arts au comportement des plus étrange, et accrédite la thèse de Carl Cameron et de Intelligence Online. Il s'agit d'un dossier éminemment délicat, mais on s'explique mal qu'une chaîne de télévision comme Fox supprime sans explication de ses archives en ligne les premiers éléments d'une enquête journalistique. Comme dans le cas du New York Times, il s'agit d'une décision qui mine la crédibilité du médium et son potentiel d'archivage de documents. Laisserait-on faire s'il s'agissait d'un autre médium? D'autre part, aucune des sociétés israéliennes impliquées par le reportage de Fox n'a menacé de poursuivre la chaîne de télévision ou son journaliste. La reprise sur d'autres sites Web des transcriptions n'a jusqu'à présent entraîné aucune menace de poursuite de la part de Fox pour violation de droits d'auteurs. Devra-t-on par contre, dès que l'on consulte un dossier «sensible», s'empresser de s'en faire une copie personnelle de peur qu'il ne disparaisse? Chroniques de Cybérie, 19 février 2002 Le New York Times trafique ses archives en ligne http://cyberie.qc.ca/chronik/20020219.html#a Fox News : This story no longer exists http://www.foxnews.com/story/0,2933,40684,00.html FreeRepublic.Com http://www.freerepublic.com/ Transcription des quatre reportages de Cameron http://www.firefox.1accesshost.com/cameron.html Fox News : Special Report http://www.foxnews.com/specialreport/index.html Intelligence Online http://www.intelligenceonline.fr/ Le Monde : Un réseau d'espionnage israélien a été démantelé aux États-Unis http://www.lemonde.fr/imprimer_article_ref/0,9750,3222--265330,00.html Associated Press : U.S. deports Israelis amid warnings of espionage activities http://ap.tbo.com/ap/breaking/MGAQS1FAGYC.html Chroniques de Cybérie, 4 décembre 2001 La «lanterne magique» du FBI http://www.cyberie.qc.ca/chronik/20011204.html#a NCIX : Warning http://www.ncix.gov/news/2001/mar01.html#a1 Washington Post : Reports of Israeli Spy Ring Dismissed http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A45802-2002Mar6.html Insight on the News : Intelligence Agents or Art Students http://www.insightmag.com/main.cfm/include/detail/storyid/207226.html < n e t t i m e - f r > Liste francophone de politique, art et culture liés au Net Annonces et filtrage collectif de textes. <> Informations sur la liste : http://nettime.samizdat.net <> Archive complèves de la listes : http://amsterdam.nettime.org <> Votre abonnement : http://listes.samizdat.net/wws/info/nettime-fr <> Contact humain : nettime-fr-owner@samizdat.net