Louise Desrenards on Sun, 24 Feb 2008 23:57:42 +0100 (CET) |
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Re: [nettime-fr] La nudité paradoxale comme alternative à l'obfuscation |
L'obfuscation (la superposition de signes dans le but de masquer
d'autres signes) passe à l'ère numérique des techniques anciennes de
propagande que sont la confusion volontaire, l'imprécision
intentionnelle, le siphonage et le glissement sémantique, etc. , toutes
sortes de joyeusetés manipulées couramment par les petits et grands
pouvoirs politiques et économiques pour se cacher derrière des rideaux
de fumée. Quand Nicolas Sarkozy, dans son discours de Montpellier le 3
mai 2007 (1) dit, d'une part: "La France, c'est la Liberté
d'_expression_", et deux lignes plus loin: "[…] nul ne peut prétendre
vivre en France sans […] parler le Français", personne ne relève rien.
Quand l'opérateur de télécommunication Orange, par l'intermédiaire de
son agence TBWA, dépose la marque "OPEN" (2), qui dès lors n'est plus si
"open" que ça, personne ne bronche. Quand à propos du Web 2.0, on parle
à tort et à travers de "réseaux sociaux" alors qu'il ne s'agit que de
"sites" tout ce qu'il y a de plus fermés, rares sont ceux qui demandent
une correction de vocabulaire. Au contraire, les sondeurs, les
commentateurs, les actionnaires et les investisseurs spéculent sur le
succès de ces tours de passe-passe. L'important est que cela fasse
illusion.
Alors l'homme devant son écran est-il condamné à surfer de bouillie
verbale en imposture? Ne trouvera-t-il pas d'autre parade au derrick
qu'on voudrait lui planter dans la tête, que d'opter lui-même pour la
tactique d'obfuscation des compagnies de forage sémantique? Ce serait à
coup sûr la fin de toute espèce de réalité, le début de la plus totale
déréliction.
Non, la bonne parade n'est pas celle-là. On ne lutte pas contre
l'opacité par l'obscurcissement. Au contraire, c'est dans une forme de
nudité paradoxale (3) qu'il faut rechercher la voie, et aussi par un
travail collectif sur le sens des mots.
Un exemple?: puisque l'on parle d'identité numérique, parlons d' OpenID,
ou plutôt de la marque déposée OpenID. A t'on remarqué à quelle vitesse
les majors de l'Internet se sont ralliées à son standard et ont sauté
dans le conseil d'administration de la fondation US? Qui a vu que cette
même fondation demande à tous ceux qui détiennent une part de sa
propriété intellectuelle ou des marques afférentes dans tous les pays de
bien vouloir les lui reverser? Bref, notre « identité numérique »,
réputée ouverte et distribuée sera-t-elle régie demain par une Trade
Mark (OpenID TM) et par des processus centralisés de type
capitalistique? Il n'y a pas ici de procès d'intention, simplement
l'indication d'un combat à mener par tous. Comme de nombreux mots,
concepts ou notions d'intérêt général, OpenID doit rester le fait de ses
utilisateurs. C'est ce que propose le concept juridique de "marque
collective" qui existe dans le Droit français et dans celui d'autres
pays. OpenID doit probablement devenir une "Collective Mark" (4): OpenID
CM pour se donner les moyens de sa propre défense.
Olivier Auber
(texte publié initialement comme un commentaire de l'article
"Mésinformations personnelles", Daniel Kapkan, InternetActu 19 fév. 2008
: http://tinyurl.com/yow8ce)
1 - Discours de Montpellier, 3 mai 2007: http://tinyurl.com/3752uc
2 - OPEN : INPI 3405730
3 - Cf. le "Club des naturistes numériques" né sur Facebook:
http://tinyurl.com/38mher
4 - Un travail de recherche sur les traductions internationales de la
notion de "Collective Mark" est en cours dans le cadre de la P2Pfoundation.
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